Ma vie de vache « laitière »

Ma vie dans une laiterie

Je m’appelle Marguerite.

Je n’ai connu que pendant quelques heures le plaisir d’avoir une mère.

Quelques heures après ma naissance, on m’a arrachée à elle. Ma mère a beuglé de détresse pendant des jours et j’ai bien sûr beaucoup pleuré. Elle n’a pas pu me donner son lait qui m’était destiné. Je suis nourrie au lait en poudre.

Pendant 5 ans je vais manger exclusivement du tourteau de soja. C’est un régime hyper-protéiné.

On est supplémenté en médicament, à titre préventif, parce qu’on vit confiné H24. Je ne peux pas boire quand je veux.

Je vais passer mon début de vie dans un box. C’est une niche individuelle où je n’ai aucun contact avec mes autres congénères que pourtant j’entends. Puis le reste de ma vie, dans un hangar sans voir la lumière du jour ou la couleur de la lune.

Au cours de ma vie, je vais subir 5 inséminations artificielles. 5 accouchements, 5 vols de mon veau.

Je suis devenue une machine à produire. On a gommé mon identité intrinsèque.

Je suis enfermée dans cette laiterie. Je ne pourrai jamais faire d’exercice. Mon seul et unique déplacement consiste à aller dans un carrousel où des machines glaçantes vont pomper le lait qui sort de mes pis. A force, mes mamelles sont enflammées, du pus en sort.

On a toutes des infections. On est vermifugé.

Il n’y a pas de veau mâle. Ils sont abattus pour la boucherie puisqu’ils ne produisent pas de lait ou exporté par bateaux vers d’autres pays où ils seront engraissés.

Au bout du 5ème veau, je souffrais tellement (mentalement et physiquement) que j’ai commencé à manger moins. La conséquence de tout cela est que je suis devenue stérile. Je devais donc finir ma vie à l’abattoir, étiquetée « viande de bœuf ». Mais cela c’est sans compter sur un collectif de belles personnes, d’humains qui m’ont sauvée de ce destin tragique !

Ma vraie vie de vache libre

Je vis maintenant avec une bande de copines. On adore parler entre nous. Il y a la « grande gueule », « la timide », « l’oisive », « la craintive » « la rêveuse » … Parfois on se met à jouer à cache-cache avec les veaux qui sont très joueurs. On se cache derrière les arbres, on joue même avec le renard du coin. On aime explorer.

Et là j’ai découvert les différentes saveurs de l’herbe, que je préférais boire de l’eau très fraîche des ruisseaux à la différence d’une qui elle adore l’eau tiède. J’adore manger des mures et brouter des orties pour soulager mes rhumatismes.

On prend beaucoup de temps à se lécher entre nous.

A tour de rôle, les vaches s’occupent et surveillent les veaux du troupeau. Notre troupeau est très organisé selon une hiérarchie. Il y a beaucoup de bienveillance de la part des ainés envers les jeunes qu’il faut protéger et éduquer.

On communique entre nous selon nos postures, nos léchouilles et nos odeurs sont fonction de nos émotions.

Pour dormir, on aime se rassembler entre familles, ressentir les liens qui nous unissent.

On se toilette entre nous. Cela participe à notre bien-être.

Nous sommes intelligentes. Nous éprouvons de l’affection et une confiance réciproque. Nos regards au sein du troupeau sont très importants.

Et comme toute vache, nous sommes à même de choisir des plantes médicinales pour nous soulager de nos maux.

Nous sommes également capables de nous adapter et de changer nos habitudes.

Je fais de l’exercice tous les jours. Une autre va avoir un veau qui va la téter pendant 9 mois et se sevrer tout seul. Leur relation sera fusionnelle. Ils se lècheront mutuellement pendant toute leur vie. Et comme tout veau, il créera une relation d’amitié très forte dès le 2ème jour de sa vie avec un autre veau né en même temps.

Je vais vivre 20 ans au lieu de 8 ans. Je suis unique. Je ne suis pas de la viande. Je suis sensible. Je suis quelqu’un.

Voilà je vous ai raconté le secret de notre vie que vous ne percevez pas.

A bien des égards, les besoins des bovins ressemblent à ceux des hommes, vous ne trouvez pas !

Pauline Rouillé

 

Ce n’est pas parce qu’un être vivant est différent de nous, qu’il n’a pas une individualité qui lui est propre et qu’il convient de respecter au lieu de le dénigrer.

Chaque être est différent. Chacun mérite le respect, le grand comme le petit, le faible comme le fort.

Chaque vache est aussi différente d’une autre que les êtres humains entre eux.

Savez-vous que la Suède est le pays où l’on consomme le plus de produits laitiers. C’est aussi celui où l’on ressence le plus de fractures. C’est en Chine et au Japon, là où l’on consomme le moins de lait, qu’il y a, en revanche, le moins d’ostéoporose. Alors vous en conviendrez, que non, les produits laitiers ne sont pas nos amis, bien au contraire.

Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas assez perspicaces pour noter les différences entre tous les papillons, les fourmis ou les vaches, qu’elles n’existent pas.

Pauline Rouillé